La saga des ordonnances spéciales COVID se poursuit. Trois nouvelles ordonnances ont été présentées et signées en Conseil des ministres le 15 avril 2020.
Les principaux points à retenir, en droit du travail, sont les suivants :
- Exclusion de certains délais du dispositif de prorogation prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 (Ordonnance n° 2020-427)
L’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit, dans un article 2, la prorogation de nombreux délais échus entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.
Certains délais sont expressément exclus de ce dispositif de prorogation.
L’ordonnance du 15 avril 2020 ajoute de nouveaux délais qui ne sont pas prorogés pendant l’état d’urgence sanitaire (Article 1).
Elle précise également que les délais de rétractation, de réflexion ou encore de renonciation s’écoulent normalement pendant cette période (Article 2).
Ainsi, et à titre d’exemple, en matière de rupture conventionnelle, le délai de rétractation de 15 jours s’écoule normalement (l’homologation de ces conventions restent en pratique incertaine puisque le délai dont dispose la DIRECCTE pour examiner les demandes reste, quant à lui, suspendu).
A l’inverse, s’agissant des ruptures conventionnelles dans la fonction publique, le délai de rétractation de 15 jours est suspendu jusqu’au 24 juin 2020 (Article 5).
- Précisions complémentaires en matière d’activité partielle (Article 6, ordonnance n° 2020-428)
L’ordonnance n° 2020-428 apporte de nouvelles précisions sur la mise en œuvre de l’activité partielle :
- Les cadres dirigeants peuvent dorénavant bénéficier d’activité partielle en cas de fermeture temporaire de l’établissement ou du service auquel ils sont rattachés,
- Les salariés portés (c’est-à-dire faisant l’objet d’un portage auprès d’une entreprise cliente) titulaires d’un CDI, peuvent être placés en activité partielle lorsque l’entreprise cliente n’a pas d’activité (ce qui n’était pas possible auparavant),
- Les travailleurs temporaires des entreprises d’intérim peuvent, du fait de cette ordonnance, bénéficier de l’allocation complémentaire prévue à l’article L. 3232-5 du code du travail, qui est allouée aux salariés dont le cumul de la rémunération nette et de l’indemnité d’activité partielle est inférieur au SMIC net.
L’ordonnance apporte également certaines précisions concernant les modalités de calcul de l’indemnité à verser aux apprentis et salariés en contrat de professionnalisation (Article 7).
- Le lendemain de la signature de cette ordonnance, un décret est venu apporter des précisions sur les modalités de calcul de l’indemnité et de l’allocation de chômage partiel pour plusieurs catégories de salariés (Décret n° 2020-435 du 16 avril 2020).
Ce décret rappelle d’abord que s’agissant des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, les journées ou demi-journées non travaillées sont converties en heures de la manière suivante : Une demi-journée équivaut à 3,5 heures, une journée à 7 heures, une semaine à 35 heures (Article 1).
Ce décret apporte également des précisions tenant aux modalités de calcul de l’indemnité et de l’allocation de chômage partiel pour plusieurs professions (Article 1), à savoir :
- Le personnel navigant des entreprises dont l’organisation de la durée du travail est fondée sous la forme d’alternance entre période d’activité et d’inactivité,
- Les Voyageurs, Représentants et Placiers,
- Les travailleurs à domicile,
- Les journalistes pigistes,
- Les artistes du spectacle et mannequins,
- Les salariés des professions de la production cinématographiques, audiovisuels ou du spectacle.
Ce décret apporte enfin certaines précisions concernant les éléments à intégrer, ou non, dans l’établissement du salaire de référence servant de base à l’établissement de l’indemnité d’activité partielle à verser au salarié. A ce titre :
- Le salaire de référence intègre la moyenne des éléments variables (ou des éléments de la rémunération versée selon une périodicité non mensuelle) perçus au cours des 12 mois civils (ou sur la totalité des mois travaillés si le salarié a travaillé moins de 12 mois),
- Sont en revanches exclus du salaire de référence, les frais professionnels, les éléments du salaire qui ne sont pas la contrepartie d’un travail effectif ou ne sont pas affectés par la réduction ou l’absence d’activité et sont alloués pour l’année, et les indemnités de congés payés (Articles 2 et 3).
Ces dispositions sont applicables à toutes les demandes d’indemnisation formées depuis le 12 mars 2020.
- Reduction de certains délais en matière de négociation collective (Ordonnance n° 2020-428)
L’ordonnance du 15 avril 2020 n° 2020-428 prévoit la réduction de plusieurs délais en matière de négociation collective, pour les accords conclus jusqu’au 24 juin 2020, et dont l’objet est de faire face aux conséquences financières, économiques et sociales de la propagation du coronavirus Covid-19 (Article 8).
Il s’agit des délais suivants :
- Le délai d’opposition de 15 jours en matière d’accord de branche est ramené à 8 jours (Article L. 2232-6 du code du travail),
- Le délai d’un mois dans lequel les organisations syndicales qui n’ont représenté que 30 % des votes au cours du premier tour des dernières élections des représentants du personnel, doivent proposer un accord d’entreprise aux salariés (Article L. 2232-12 du code du travail), est ramené à 8 jours,
- Le délai de 8 jours permettant aux organisations syndicales d’atteindre une représentativité de 50 % lors de la négociation d’un accord d’entreprise (Article L. 2232-12 du code du travail) est ramené à 5 jours,
- Le délai de 15 jours dans lequel les salariés doivent être consultés par l’employeur pour accepter un accord d’entreprise, dans les entreprises de moins de 11 salariés (ou de moins de vingt salariés et dans lesquelles les représentants du personnel n’ont pas été élus, article L. 2232-21 du code du travail), est ramené à 5 jours,
- Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur fait connaître son intention de négocier un accord d’entreprise aux membres du CSE.
Ces membres disposent d’un mois pour indiquer s’ils souhaitent négocier (Article L. 2232-25-1 du code du travail). Ce délai est ramené à 8 jours.
- Le délai permettant aux organisations syndicales employeurs de faire opposition de l’extension d’un accord de branche d’un mois (Article L. 2261-19 du code du travail), est ramené à 8 jours.
L’ordonnance prend enfin soin de préciser que ces délais ne sont pas concernés par les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur la prorogation des délais échus, et ne concerne pas les délais qui avaient commencé à courir avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
- Précisions complémentaires en matière de versement de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail (Ordonnance n° 2020-428)
L’ordonnance du 25 mars 2020 (Ordonnance n° 2020-322) modifiait le régime de l’indemnité complémentaire due par l’employeur au salarié en maladie, en supprimant certaines des conditions prévues par la loi (et notamment la condition d’ancienneté d’un an).
L’ordonnance du 15 avril dernier apporte deux précisions concernant ce régime modifié :
- Ces modifications sont applicables aux arrêts maladie prononcés après le 12 mars 2020, mais également aux arrêts qui étaient en cours à cette date,
- Ces modifications prendront fin à une date qui sera précisée par décret (l’ordonnance du 25 mars 2020 fixait initialement la date de 31 août 2020 qui a donc été supprimée).
Le lendemain de l’adoption de cette ordonnance, un décret est venu apporter plusieurs précisions complémentaires :
- Les salariés en arrêt maladie pour garde d’enfants ou présentant une vulnérabilité au Covid-19, perçoivent l’indemnité complémentaire dès le premier jour d’absence (sans délai de carence).
Pour les autres salariés en arrêt maladie, le versement de l’indemnité complémentaire commence au 4ème jour d’absence (et non au 8ème jour comme la loi le prévoit).
- Les salariés en arrêt maladie pour garde d’enfants ou présentant une vulnérabilité au Covid-19 perçoivent une indemnité complémentaire qui leur garantit 90 % de leur rémunération brute quelle que soit la durée totale d’indemnisation,
- En temps normal, le versement de l’indemnité complémentaire prend en compte les indemnités complémentaires perçues les 12 mois précédents, ce qui peut venir en réduire la durée de versement (Article D. 1226-4 du code du travail).
Le décret du 16 avril 2020 revient sur ce principe pour les indemnités versées entre le 12 mars 2020 et le 30 avril 2020 :
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- Ne sont pas pris en compte les indemnités complémentaires versées les 12 mois précédents,
- De même, le versement de ces indemnités ne sera pas pris en compte à l’occasion du versement de nouvelles indemnités complémentaires dans les 12 prochains mois.
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Des modifications sont également apportées à l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle.
Enfin, la troisième ordonnance du 15 avril 2020 (Ordonnance n° 2020-430) concerne les modalités de pose obligatoire de jours de RTT et de jours de congés payés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale. Il est ainsi notamment prévu la pose de 10 jours de réduction du temps de travail pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
Attention : le 17 avril 2020, le gouvernement a annoncé que les salariés en arrêt maladie pour garde d’enfants ou présentant une vulnérabilité au Covid-19, seront automatiquement transférés au régime de salarié en activité partielle, au 1er mai 2020. Ce dispositif sera prévu et précisé par une loi à venir.
A suivre donc…..
Avocat associé, fondateur de 1804
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