Covid-19: quelles incidences en matière de promotion immobilière?

A jour au 22 avril 2020

La loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 renvoie à une ordonnance le soin de préciser les conditions d’adaptation des procédures en cours pendant la période d’urgence sanitaire.

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 rectifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 précise ainsi les conditions de prorogation et de suspension des délais échus et des délais en cours.

Par ailleurs, le décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 « autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire » a été publié au journal officiel du 4 avril 2020.

Les incidences de ces textes sur l’activité de promotion immobilière sont les suivantes :

 

  1. les dispositions relatives aux autorisations administrative

1.1 La suspension de la durée d’instruction des autorisations administratives

Le silence de l’administration à l’issue d’un délai d’instruction équivaut à une autorisation (article R.424-1 du code de l’urbanisme).

L’objectif des textes publiés est donc d’éviter des autorisations tacites liées à ce principe.

Suite à l’ordonnance du 15 avril 2020, deux cas sont envisagés :

  • cas dans lesquels le délai d’instruction avait commencé à courir avant le 12 mars 2020 :

Ce délai est suspendu entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire (aujourd’hui fixé au 24 mai 2020).

Attention, le délai déjà écoulé devra être pris en compte au moment de sa reprise.

Exemple :

Un permis de construire a été déposé le 12 février 2020, avec une instruction initialement prévue de 3 mois.

    • le délai d’un mois qui s’est écoulé entre le dépôt du permis de construire et la date de début de l’état d’urgence sanitaire doit être pris en compte ;
    • le délai recommence à courir, pour une durée de 2 mois, à compter du 24 mai 2020.
    • Le délai d’instruction expirera le 24 juillet 2020.

 

  • cas dans lesquels le délai d’instruction devait commencer à courir à compter du 12 mars 2020 :

Le point de départ de ce délai est reporté à la fin de l’état d’urgence sanitaire (aujourd’hui fixé au 24 mai 2020).

 

1.2 la prorogation de la durée de validité des autorisations administratives

Selon l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020, les autorisations, permis et agréments dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales précise sur son site internet qu’ « à titre d’illustration, les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…) sont visées, ainsi que les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner ».

Cette disposition n’a pas été modifiée par l’ordonnance du 15 avril 2020.

Ainsi, et de manière générale, et à supposer que la période d’urgence sanitaire cesse le 24 mai 2020, comme prévu à ce jour, le délai de validité est prorogé jusqu’au 24 août 2020 ( urgence sanitaire +1 mois + 2 mois).

 

1.3 la prorogation des délais de recours à l’encontre des autorisations d’urbanisme

L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020, prévoyait que pour tout recours qui expire entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, il sera réputé être fait à temps s’il est effectué dans son délai légal à compter de l’expiration de cette période, dans la limite de deux mois.

Ainsi, le délai de repartait de zéro à l’expiration de la période de protection.

Monsieur Julien DENORMANDIE, ministre du logement, a eu l’occasion de préciser lors d’une conférence du 31 mars dernier organisée par l’UNIS qu’il avait conscience que la prolongation des délais de purge du droit de recours pour les permis de construire et les permis d’aménager allait « trop loin ».

Dans ces circonstances, l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 modifiant celle du 25 mars 2020, a créé un article 12 bis selon lequel :

  • cas dans lesquels les délais de recours n’ont pas expire avant le 12 mars 2020 :

Les délais sont suspendus et recommenceront à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.

Exemple :

Un permis de construire délivré le 6 février 2020 est affiché selon le premier Procès-verbal d’huissier le 16 février 2020.

Ce permis pouvait faire l’objet d’un recours des tiers jusqu’au 17 avril 2020 inclus (délai de deux mois).

Au 12 mars 2020, le délai restant à courir était de 1 mois et 5 jours.

Le recours peut donc désormais être exercé jusqu’au 29 juin 2020 (24 mai +1mois + 5jours).

  • cas dans lesquels les délais de recours auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre les 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire :

Dans cette hypothèse, quel que soit la date à laquelle le délai aurait dû commencer, le point de départ est reporté à l’achèvement de l’état d’urgence sanitaire soit, pour l’heure et sauf modification de la date de cessation de l’urgence sanitaire, au 24 mai 2020.

 

2. Les dispositions relatives à la poursuite des chantiers  

Le 2 avril 2020, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics a diffusé un guide de recommandations sanitaires permettant aux entreprises du BTP de définir et conforter les processus afin de poursuivre les chantiers en garantissant la sécurité et la santé des salariés, comme le préconisait le Gouvernement.

Ce guide a été validé par l’ensemble des ministères concernés le 3 avril 2020.

A titre d’exemple, chaque opération, quelle que soit sa taille, nécessite l’accord du client avant chaque intervention.

Il est disponible en intégralité à l’adresse suivante : https://fpifranceprodcellar.cellar-c2.services.clever-cloud.com/public/media/file/GUIDE-DE-PRECONISATIONS-COVID-19-OPPBTP%20maj%201004.pdf

(à jour du 10 avril 2020).

En parallèle, le gouvernement a indiqué avoir adressé une circulaire aux préfets afin que ceux-ci veillent à la poursuite et à la reprise des chantiers.

 

3. Les dispositions relatives aux échéances contractuelles

3.1 Les dispositions relatives à la signature des actes notariés

Le décret du 3 avril 2020 vise à adapter le régime d’établissement des actes notariés sur support électronique afin de tenir compte des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et de l’impossibilité pour les parties de se rendre physiquement chez un notaire.

Il fixe les conditions et les modalités d’établissement à distance de l’acte notarié sur support électronique :

  • Le notaire doit avoir recours à un système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat.
  • Il doit également recueillir la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l’acte au moyen d’un procédé de signature électronique fiable et réglementé.

Ce mode d’établissement des actes notariés est possible jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit à ce jour jusqu’au 24 juin 2020.

Toutefois, en pratique, cette mise en œuvre est compliquée dans la mesure où une seule solution « Docusign » est agréée à ce jour pour délivrer des clés de signature au niveau qualifié et que cette dernière a suspendu son service d’identification.

3.2 Les dispositions relatives aux conditions et termes contractuels

Lors de son communiqué de presse du 3 avril 2020, le Gouvernement a annoncé une ordonnance sur les impacts de la situation sanitaire sur les relations contractuelles.

Pour l’heure, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ne prévoit un mécanisme de report de terme et d’échéance que pour les actes prescrits par la loi ou le règlement, ce qui exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles.

Elle ne suspend en outre les sanctions pour inexécution d’une obligation dans un délai déterminé que pour les « astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance ».

Le sociétés de promotion immobilière peuvent bénéficier de cette disposition.

Deux hypothèses sont envisagées :

  • Pour les astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020, leur cours est suspendu pour la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.

Elles reprendront effet à compter du 25 juin 2020.

  • Pour les astreintes et clauses pénales qui ont pris cours ou produit effet entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (période juridiquement protégée à ce jour), l’ordonnance du 15 avril 2020 distingue deux cas :
    • « si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée».

Exemple :

Un contrat est conclu le 1er février 2020 et devait être exécuté le 20 mars 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.

Les effets de la clause sont reportés d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 et le 20 mars 2020 (8 jours), ce report courant à compter de la fin de la période juridiquement protégée (fixée au 24 juin 2020 à ce jour).

La clause résolutoire prendrait donc effet le 3 juillet 2020 (fin de la période juridiquement protégée + 8 jours)

    • « la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de somme d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période».

Exemple :

(issu de la Circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) :

Un contrat est conclu le 1er février 2020 et devait être exécuté le 1er juillet 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.

Les effets de la clause résolutoire sont reportés d’une durée égale à celle de la période juridiquement protégée (soit de 3 mois et 12 jours entre le 12 mars et le 24 juin 2020), ce report courant à compter du 1er juillet 2020.

La clause résolutoire prendrait donc effet le 13 octobre 2020.

Aucun article des ordonnances du 25 mars 2020 ni celle du 15 avril 2020 ne vise expressément le sujet des conditions suspensives, de sorte qu’il semble que, l’obligation contractuelle relative à la date de réalisation des conditions suspensives doive être respectée, sauf :

    • pour celui en faveur de qui elle a été stipulée, à renoncer à la levée de la condition suspensive si cela est possible naturellement,
    • à pouvoir justifier de la force majeure.

Il convient donc de vérifier la rédaction de chacune des conditions suspensives prévues dans les promesses de vente, et envisager amiablement une prorogation de leur durée de validité.

3.3 Les dispositions relatives aux retards de livraison

En principe, l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période concerne les actes prescrits par la loi ou le règlement, ce qui exclut les actes prévus par les dispositions contractuelles.

Si le retard de livraison est sanctionné par des pénalités ou des astreintes, alors leurs cours et leurs effets peuvent être suspendus dans les conditions susvisées.

Néanmoins, l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée par celle du 15 avril 2020 ne prévoit rien en matière de responsabilité contractuelle.

Aussi les promoteurs immobiliers risquent de voir leur responsabilité contractuelle engagée et le droit à indemnisation ouvert pour l’acquéreur, eu égard au préjudice subi et lié eu retard de livraison, sauf à ce qu’il démontre la force majeure.

Néanmoins, le Gouvernement a précisé que « pour les cas où les conditions particulières liées à l’épidémie de Covid-19 induiraient des retards de chantiers ou de livraisons de l’ouvrage, il prendra par ordonnance les mesures nécessaires afin de prévoir, le cas échéant, de renoncer aux pénalités applicables aux fournisseurs, intervenants du chantier et maîtres d’ouvrage privés, pour une période tenant compte de la durée de la période d’urgence sanitaire ».

De nouvelles dispositions sont donc attendues sur ce point.

 

 

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